[...] Au bout de la nuit je me suis levée et dans la chambre de ma mère tout était calme. Elle dormait sereinement. J’étais contente. Soulagée. Je suis repartie dormir quelques heures [...]

 

Installation « La vie l’a quittée… » La vie l’a quittée est une installation plastique et une esthétisation de la mort de ma mère, d’une mère, de la mort en général. Et ne se veut pas le témoin d’un voyeurisme sordide.

 

La vie l’a quittée comprend une vidéo de 2’50 composée de cinquante photographies, d’une bande son de Claire-Michèle Bez et de quatre livrets.

 

Les cinquante photographies ont été prises à trois instants de vie différents qui sont le jour du décès de ma mère, le 23 avril 2007 à l’hôpital de Meaux, les jours qui ont suivi ce décès sur le trajet Ussy sur Marne / Meaux, en janvier 2008 et sur le trajet Ussy sur Marne / Fère en Tardenois en allant à la hottée du diable, lieu d’inspiration de Camille Claudel.

 

Les quatre textes sont Sa dernière nuit, écrit en avril 2007, quelques jours après le décès de ma mère, Mon père dit que, écrit en juillet 2007, Pull rose, écrit le 14 octobre 2007, et Naître et mourir, écrit en avril 2008. Ces quatre textes sont comme des étapes sur le chemin du deuil.

 

Ces cinquante photographies sont elles aussi comme des étapes sur le chemin du deuil.

 

 

 

 

1. Mon père dit que

 

 

Mon père dit qu’il n’y a rien après la mort.

 

Moi je ne sais pas. Peut être qu’il a tort. J’aimerais qu’il ait tort.

 

Ma mère est morte dans un lit d’hôpital. Elle ne respirait plus. Son cœur ne battait plus.

 

Cela ne m’a pas semblé évident de suite. Je n’arrivais pas à savoir.

 

Est-ce qu’elle était vraiment morte ?

 

Je la voyais allongée, détendue, sans respiration apparente.

 

 

 

Ce moment je l’avais toujours redouté. Et il était devenu imminent. Je l’attendais presque. Et j’étais comme soulagée d’une certaine façon.

 

Car ma mère avait lutté dans la souffrance et dans la peur. Parce qu’il est difficile de ne pas avoir peur de la mort.

Une infirmière est entrée dans la chambre.

 

Je lui ai dis que je pensais que c’était terminé. Elle n’a rien dit. Elle a appelé l’interne. C’était une femme. Elle est entrée dans la chambre. Elle a regardé ma mère. Elle a pris son poignet. Elle a attendu quelques secondes. Elle m’a fait un signe de tête.

 

J’ai su que c’était terminé. J’ai senti des larmes monter. J’ai demandé ce qui allait se passer. Elle m’a expliqué mais je n’écoutais pas.

 

J’ai demandé à rester seule. J’ai regardé ma mère. J’ai caressé son visage. Je lui ai dis au revoir. J’ai senti des larmes couler sur mes joues et des sanglots sont arrivés. Puis je suis restée quelques minutes sans rien faire. Juste à la regarder. Elle allait partir et je n’allais plus jamais la voir.

 

C’était fini de l’enfance. Je n’étais plus une petite fille. J’étais seule désormais. Seule face au monde.

 

J’ai continué à pleurer. J’étais comme sonnée.

 

J’ai téléphoné à mes deux frères.

 

Puis j’ai sorti mon appareil. J’ai photographié ma mère, son visage, ses cheveux, ses mains, les draps, le lit, la chambre, les ombres et la lumière. Ma mère n’aurait pas aimé que je fasse cela. Mais j’avais besoin de le faire.

Il n’y a rien à faire contre la mort. Et j’avais envie de fixer en images ce moment. Celui où la vie n’est plus. Celui qui fait que le cœur bat puis ne bat plus. Pas n’importe quelle vie. Celle de ma mère.

 

A chaque rupture non voulue je n’acceptais pas le choix de l’autre. J’essayais en vain de négocier. Mais là je n’avais rien à faire. Juste à accepter.

 

Il n’y a rien à comprendre à la mort. C’est ainsi.

 

[...]